• Une filature

    Monsieur X relevait d’un AVC.

    Il avait exercé des fonctions élevées dans une association caritative,

    Mais ne voulait plus entendre parler de tout cela,

    Et bien au contraire adoptait un langage grossier,

     

    Et des manières très impolies.

     

    Il était lui était interdit de rentrer chez lui,

    On craignait sans doute qu’il s’y barricade…

    Mais il avait, disait-il des choses urgentes à régler,

    Qui nécessitaient des papiers qu’il avait dans son bureau.

     

    Empêcher une personne qui a de bonnes jambes de sortir

    Est pratiquement impossible,

    A moins d’utiliser la force brutale,

    Ce qui n’est pas le genre de la maison.

     

    Je devais cette après-midi accompagner une dame à la chapelle pour la messe.

    Monsieur X me collait, et voulait absolument sortir.

    J’utilisais alors un stratagème : je montai d’un étage, avec la dame,

    Pour utiliser l’ascenseur depuis le sixième.

    Mais Monsieur X nous colla si bien que je fus obligé de le prendre avec nous.

     

    Arrivé à la chapelle, je lui présentai le prêtre,

     Mais cela ne l’intéressait pas :

     Il tourna les talons, et sortit dans la rue.

     Il faisait un froid sec.

     

    Que faire ?

     Je choisis la discrétion : je le suivis de loin,

     Jouant les inspecteurs de police des romans de Simenon.

     Il remonta l’avenue, continua dans la même direction.

     Il avisa un recoin dans la rue,

     Et y fit une pause pipi.

     

    Je restai à distance, amusé par les regards dégoutés des passants.

     

    Puis il reprit son chemin jusqu’au métro Cambronne,

     Et prit l’avenue du même nom, qui faisait avec la précédente un angle aigu.

     Il continua jusqu’au bout de cette rue, dépassa la rue de Vaugirard.

     J’étais inquiet car je ne connaissais pas bien le quartier.

     Je repérais les noms de rue,

     Et comme il y avait du soleil, je voyais que nous allions vers le Sud.

     Il s’arrêta dans un centre de radiographie,

     Présenta des papiers à un guichet.

     

    Je restai dehors. Il ressortit, prit une petite rue,

     Et arriva dans une résidence qu’il connaissait visiblement :

     C’était chez lui.

     

    Je pénétrai dans l’entrée avec lui,

     Et me fis voir, ce qui ne l’étonna qu’à moitié.

     Pourtant, il me lança une bordée d’injures.

     Le gardien de l’immeuble vint le trouver,

     Lui adressa des propos chaleureux,

     Puis une de ses voisines, très heureuse de le revoir.

     

    Il n’était pas question pour moi de monter avec lui chez lui.

     Aussi lui dis-je que je l’attendais en bas.

     Il monta dans les étages.

     

    J’étais bien embarrassé.

     

    Le gardien repassa, je lui demandai du secours.

     Il me répondit qu’il devait faire un autre travail,

     Mais que sa femme, dans une demie heure pourrait m’aider.

     Il suffisait que je sorte et aille sonner de l’autre côté du pâté de maison,

     Au 26.

     

    Au bout d’un bon quart d’heure, j’allais sonner à ce 26.

     Pas de réponse. Je revins.

     Miracle, la gardienne était là.

     Alertée sans doute par son mari, elle était montée chez Monsieur X,

     Et avait trouvé porte close. Elle n’avait pas de passe-partout.

     

    Je lui dis que je pensais que Monsieur X était chez lui.

     Nous montâmes, elle sonna, re-sonna,

     Et nous entendîmes des bruits à l’intérieur. Il était bien là.

     

    C’est alors qu’opéra le charme féminin :

     « Monsieur X, c’est Marcela, je suis bien contente de vous revoir,

     Soyez gentil, ouvrez moi s’il vous plait…. »

     Il finit par ouvrir.

     

    Et Marcela le convainquit de repartir.

     Je la remerciai chaudement, bien que discrètement :

     Cette femme m’avait sorti d’un bien mauvais pas !

     

    Nous repartîmes donc,

     Il repassa par la boutique de radiologie,

     Ressortit, et prit un autre chemin qu’à l’aller.

     Toujours inquiet, je m’approchais et lui dis que ce n’était pas par là.

     Je fus accueilli par une bordée d’injures.

     Et il continua. Je restai à distance.

     

    Nous passions dans des petites rues que je ne connaissais pas,

     Mais je savais, en me référant au soleil couchant,

     Que nous allions plutôt vers le Nord, la bonne direction.

     

    Il s’arrêta dans un bistrot et but une bière.

     Je le surveillai de dehors ; je ne savais pas s’il avait de quoi payer !

     

     Il ressortit, passa au rouge sur un passage piéton,

     Et continua. Nous passâmes devant la mairie du 15ème,

     Puis la rue Blomet, et la rue Mademoiselle.

     

    Je commençais à reconnaître le quartier.

     Nous nous trouvâmes dans la rue du Commerce, nous étions sauvés,

     Enfin, j’étais sauvé !

     

    Nous enfilâmes la rue du Théâtre,

     Pour arriver enfin à la Résidence , ouf,

     Après deux heures et demie d’un périple

     Qui m’avait stressé !

     

     En y réfléchissant après coup,

     Je pense que Monsieur X n’était finalement pas aussi atteint qu’on l’avait craint.

     Par exemple, il savait très bien se diriger dans son arrondissement.

     Lui restait son incivilité, qui n’arrangeait rien, c’est vrai.

     Nous, bénévoles, nous trouvons quelquefois devant des situations

     Difficiles à gérer!

     


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