• Une vie pleine de souffrances.

     

    Entretiens de Mme X avec Benoît (bénévole)

    du 5 Janvier et du 19 Janvier 2012.

    Les textes en italiques sont écrits par Benoît,

    Et ceux en caractères normaux par Mme X.

     

    - « Vous êtes née au début de  la dernière guerre,

    le 16 décembe 1939, un Samedi, 18h, à Paris,15eme.

    Vous étions trois enfants , dont un handicapé.

    Votre père pour l’ennemi travaillait,

    étant père de deux enfants (plus une troisième, moi)

    il avait été exempté de front,

    mais pas, en 1943, de travail obligatoire en Allemagne.

    Fut tué par une bombe dans Nuremberg,

     

    Une bombe Américaine à retardement.

    Vous ne l’avez pas connu, c’est peut-être mieux.

    Votre frère qui était dans la Résistance,

    Fut pris, et  tué trois mois après votre père,

    par un inconnu.

    Vous avez eu un beau père, un vi-eux garçon

    Froid, distant, que vous n’aimiez absolument pas.

    Plus tard, il osait poser sur vous des regards

    Qui sur sa vraie nature en disaient vraiment long.

     

    Vous étiez bonne élève, obteniez le premier prix

    Derrière les prix d’excellence et d’honneur. Vous aimiez

    Le chant, le solfège, mais surtout le Français.

    Vous aviez aussi le prix de camaraderie.

     

    Tout vous intéressait, vous adoriez apprendre.

    Ce n’est pas comme les jeunes d’aujourd’hu-i,

    Qui ne savent sans faute écrire une ligne,

    Vraiment il faut les voir ! et aussi les entendre !

     

    Vous ignorez pourquoi vous dormez tout le temps,

    Cela doit être dû à vos médicaments,

    Pourtant je vous n'avez pris qu’un  Doli-prane,

    Vous aviez des douleurs à la langue, aussi au crâne.

     

    Votre mère ne demanda pas une bourse pour vous,

    Dixit le beau-père,

    ( pourtant j’ étais Pupille de la Nati-on

    Orpheline de l’Etat),

    Et décida qu’il vous fallait, à quatorze ans

    Commencer à travailler, et où que ce  soit…

     

    Vous commenciez donc près de la gare de L’Est,

    Un soir, tandis que vous rentrez , une femme tente

     

    De vous convaincre de la suivre dans la cour

    D’un immeuble. Pas folle, vous refusez net.

     

    Ce fut un crève-cœur pendant toute ma vie,

    De ne pouvoir développer mon potentiel.

    De n’avoir pu faire valoir le potentiel de savoir

     que j’avais en moi et qui ne fut pas exploité

    A vingt ans vous tombez très malade : pleurésie,

    Une primo-infection,

    On craignait un’ méningite tuberculeuse.

     

    A cette époque, vous êtes sujette à une amnésie,

    Vous oubliez tout ce que vous avez appris à l’école.

    Etait-ce dù à la maladie ? Après deux mois à Boucicaut,

    Dans un sanatori-um vous en passez six.

    Cétait déjà beaucoup, quand je repense aux premières

     années vécues dans des conditions presque inhumaines

     

    Vous échangi-ez des lettres avec un jeune-homme. ,

    Il pensait mari-age, vous ne dites pas non.

    Vous vous mariai donc, et arriva votre fille

    Qui a bien réussi, c’est tant mieux pour elle. 

     

    Vint alors Mai 68. Comme tout de monde,

    Vous n'avez rien compris, mais cela tournait les têtes.

    J’ai suivi le mouvement et subi des grèves

    de toutes sortes pendant un mois, mais j’ai ressenti

    une sorte d’épanouissement, de liberté que je n’avais

    jamais éprouvés jusque-là. Je commençais

    « à vivre enfin » à presque trente ans.

    Vous aviez vingt-hu-it ans  et étiez plutôt belle,

     Beaucoup de ces photos très bien le montrent.

     

    Dieu, si du moins il existe, commença

    A vous envoyer des mauvais coups : un accident

    De voiture, félure d’une cervicale,

    la première cervicale

    Puis une dépression, quand vous avez quarante ans,

     

    Ensuite, à cinquante ans, vint le chômage,

    (Vous étiez la secrétaire de direction,

    Et organisiez l’activité du patron.)

    Enfin vint cett’ maladie que vous savez fatale.

    Les médecins me l’ont dit. Le mot cancer fait peur,

    A juste titre, et en ce qui me concerne il n’y a

    Aucun espoir de rémission…. Peut-être encore

    un mois (ou deux) avant que je me résigne à être vaincue

     

    Les docteurs manquent souvent de psychologie,

    Ils vous annoncent sèchement votre maladie.

    On vous proposa une atroce chirurgie,

    Sinon vous n'en aviez que pour trois mois, ou six.

     

    Vous avez refusé, et êtes toujours là,

    Mais vous avez peur de souffrir….

    Et de mourir….

    Vous demandant ce que vous avez fait  sur Terre…. »

     

     

    Après un moment, de vous je pris congé,

    Vous m’avez jusqu’à la porte  accompagné,

    Et vous m’avez souri, je ne vais pas l’oublier.

     

    Mais c’était un sourire triste, qui en disait long

    sur les souffrances mentales que j’endure,

    ces angoisses terribles que je ressens,

    ce manque affectif, de bras autour de moi

    qui me consoleraient, qui m’aideraient à supporter

    « tout ça » (et en fait c’est ce mal là qui m’emportera),

    et de l’absence dont j’ai souffert toute ma vie

    en me dispersant un peu trop dans des bras « inutiles »

    qui m’aimaient « mal » et dont je sortais, à chaque

    fois, plus seule qu’avant, et avec un peu plus de rancœur.

     

     


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